J’ai rencontré Hélène sur les bancs de l’université, où nous avons suivi le même cursus pendant trois ans. Connaissant son engagement féministe, je lui ai proposé de faire partie des premiers portraits sur Women of the World.


Bien qu’il faille que je témoigne de ma vie en tant que « femme », j’aurai dans mon fort intérieur préféré avoir pu accomplir une étape importante pour la vie d’autrui avant de parler de moi. Mais, qui sait, peut être que mon parcours du haut de mes 20 ans pourra encourager d’autres femmes à oser et à je l’espère ouvrir les yeux sur notre condition.

Bonjour, je m’appelle Hélène, j’ai 20 ans, et je suis sur le point d’obtenir mon premier diplôme d’études supérieures. S’il y a une chose que j’ai compris durant ces années à l’Université, c’est que j’avais tout faux sur un bon nombre de mes perceptions du monde qui nous entoure. Surtout entre nous, êtres humains.

Depuis mon plus jeune âge, on m’a appris à donner plus d’importance à l’opinion et la vision des hommes qui m’entourent plutôt qu’à celles des femmes. Je me suis retrouvée à de multiples reprises à espérer plaire aux hommes qui m’entouraient, comme si cela m’apporterait la finalité de mon accomplissement en tant que personne. Il n’est pas ici question de séduction à des fins charnelles, mais bien du pouvoir que le regard et l’opinion des hommes ont vis-à-vis des femmes. Et ce pouvoir, que nous-mêmes offrons aux hommes de nous juger, de nous qualifier, et surtout de décider de notre valeur en tant que femme sur une échelle de féminité fictive, nous nous le faisons apprendre depuis le plus jeune âge avec la fabrication du mythe de « La Femme », cet être aimant, docile, agréable à regarder et indéniablement sexualisée.

Pour plaire à la gente masculine, on m’a appris à avoir une apparence irréprochable : taille fine, cheveux long, épilation, maquillage…la liste de tous les artifices que nous nous infligeons est longue. Il m’aura fallu 20 ans pour comprendre que ma valeur ne dépend pas de mon apparence physique mais de ce que je suis capable d’accomplir concrètement dans mon quotidien. Il m’aura fallu suivre l’enseignement d’une professeure engagée pour comprendre que le pouvoir, ça se donne. La servitude volontaire est au cœur des mécanismes et des rouages du patriarcat, incitant les femmes d’elles-mêmes à se considérer comme des corps mis à la disposition des hommes. Pourquoi as-tu commencé à t’épiler toi ? Qu’est-ce qui te donne envie de porter des chaussures à talon inconfortables ? Pourquoi dépenses-tu des centaines de dollars en crème pour le corps et sérum repulpant ?

J’ai ainsi perdu énormément de temps, d’énergie et même d’argent à fabriquer ma coquille de « femme » pour être acceptée et valorisée par les hommes qui m’entouraient. Et puis un jour, avec l’accumulation de mes lectures, cours magistraux sur la condition féminine, et mes expériences de la vie, j’ai réussi à sortir de ce mécanisme pervers enfermant les hommes et les femmes dans des cages de verre ou la fluidité et le mélange n’ont pas leur place.

Comme ma professeure le disait, le pouvoir, ça se donne. Aujourd’hui, refuser de répondre aux standards de beauté féminin, c’est dire non. Non, je m’en fiche de ce que mes pairs vont penser de moi. Si mes poils diminuent ma personne en tant que femme à tes yeux, grand bien te fasse. Moi, je suis un être humain avant d’être « une femme ». Et ton opinion sur ce que devrait être une femme ou pas n’a plus aucune importance. Plus aucune.

Pour moi, c’est ça ma victoire. Redonner le pouvoir de me qualifier à la bonne personne, c’est-à-dire moi. La Femme n’existe pas. Il n’y a que des femmes, êtres humains avant tout.

Hélène, le 17 mai 2020

Note de l’auteure : ce texte a été rédigé par une femme blanche issue de la classe moyenne/élevée et par conséquent, n’illustre pas la réalité de toutes les femmes.

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