Claire se spécialise dans les migrations climatiques en Asie du Sud-Est, les interventions humanitaires dans les conflits et catastrophes naturelles, et les conséquences des changements climatiques sur les tensions locales et la sécurité internationale. Elle commence son Master en Gestion de Risques de Catastrophes Naturelles et Adaptation aux Changements Climatiques, dans la meilleure université de Suède. Elle a travaillé à Tokyo et a voyagé au Japon. Elle est diplômée en Paix et Sécurité Internationale, de Montréal, au Canada. Son engagement féministe de longue durée est associatif, professionnel et universitaire.


À 22 ans, je suis loin d’être une femme complètement épanouie, mais mes quatre années d’expériences dans le monde adulte m’ont apprises quelques leçons qui valent la peine d’être partagées. Il y a bien sûr autant de manières de devenir femme qu’il y a de femmes sur Terre, chaque femme a sa propre définition de la féminité et sa manière d’y arriver. Toutes les expériences de féminité et définitions de femmes sont toutes autant valables que celle-ci, à tout niveau.

Simone de Beauvoir disait « On ne nait pas femme, on le devient ». Certes, mais que cela signifie-t-il réellement dans la vie d’une jeune femme en pleine construction identitaire et quête de soi ?

Devenir femme, c’est avant tout avoir conscience de toutes les nombreuses pressions de la société que l’on doit vivre pour prétendre y arriver. Il faudrait être constamment belle, grande, mince, maquillée, attentionnée, charmante, douce, agréable, épouse dévouée et mère parfaite, en toute circonstance. Être une femme, au regard des normes sociétales, est une performance constante. Il faudrait s’oublier soi-même pour servir les intérêts d’autrui. Il s’agirait d’oublier ses propres joies, plaisirs, bonheurs, objectifs et ambitions personnelles pour se mettre au service d’un mari ou d’une descendance. Se détacher des pressions sociétales et attentes familiales, est non-seulement nécessaire mais également salutaire pour construire sa propre identité et s’épanouir pleinement, durant toute sa vie.

Pour ceci, il y a deux issues, l’indépendance d’esprit et la liberté.

L’indépendance d’esprit est la capacité qu’a chaque être humain de s’émanciper des normes, conventions sociales et de son éducation familiale, pour construire sa propre pensée, en adéquation avec ses objectifs de vie.

Concernant notre famille, il ne s’agit pas de renier aveuglément l’éducation de nos parents, mais plutôt de la remettre en question et de s’en émanciper, pour n’en retenir que les éléments nécessaires à la construction de notre propre pensée et de nos objectifs de vie. Nos parents ont leurs visions de la vie et leur définition d’être femme, il arrive que celles-ci soient en opposions avec les nôtres, ce sont leurs opinions et elles ne doivent en aucun cas nous empêcher de construire notre propre pensée, indépendamment de la leur.

La liberté est le fait d’agir et de penser selon sa propre nature. Il s’agit d’avancer dans un processus de construction identitaire et de quête de soi, pour trouver son essence et la cultiver. Comprendre ce qui nous fait vibrer et nous rend vivantes, embrasser ses peurs les plus viscérales et accepter nos failles, nécessite forcément beaucoup de courage et de détermination. C’est aussi vivre pour soi et pas pour ce que la société ou nos parents attendent de nous. Chaque femme est parfaitement capable de réaliser ses ambitions les plus grandioses et objectifs de vie les plus exceptionnels, à la fois pour elle-même et les autres, sans devoir être la mère ou l’épouse de quiconque. Nous sommes conditionnées depuis notre enfance à devenir des épouses dévouées et mère aimantes, mais ce n’est pas nécessairement ce que chaque femme désire réellement, ni ce qu’elle considère comme un gage de réussite de vie. Ce qui est une source de réussite pour une femme, ne le sera sans doute pas pour l’autre, même entre une mère et sa fille. Pour comprendre ceci, il est nécessaire d’aller au plus profond de notre être pour en extraire ce que nous sommes, se comprendre nous-même, saisir nos propres instincts et intérêts. 

L’affirmation de soi permet de construire son propre modèle de féminité et sa propre définition d’être femme, pour trouver son identité. Connaître ses propres capacités, forces et faiblesses, faire ce qui nous tient véritablement à cœur, s’écouter, suivre ses propres intérêts et accomplir ses ambitions sont les seules clés pour agir quotidiennement selon sa propre nature. Cet investissement demande beaucoup de force de caractère, de courage, d’ambition, de détermination et d’indépendance d’esprit pour se développer, mais ce sont des aspects nécessaires pour accomplir chaque chose qui nous intéresse. Qu’il y a-t-il de plus important dans la réussite d’une vie que d’être soi-même et d’accomplir ce qui nous intéresse ?

Pour devenir femme, il est également nécessaire de bien sélectionner son entourage. S’entourer des bonnes personnes qui nous font grandir, nous écoutent et nous apportent de la coopération, tout en nous apprenant à nous remettre en question, à devenir plus matures et à évoluer vers ce qui nous intéresse. Il ne sert à rien d’avoir un grand entourage, l’important est toujours la qualité de ses proches avant la quantité. En tant qu’humain, on se construit dans le regard d’autrui, et leur vision a nécessairement des effets sur nous. Donc il est également nécessaire d’avoir une humanité et une bienveillance quotidienne dans nos actions et nos ambitions. S’accomplir en tant que femme et humain, c’est aussi réaliser le bien commun, faire ce qui est important pour nous-même et les autres. Il n’existe pas de bonheur égoïste, partager nos réussites avec autrui, tout en ayant œuvré pour la construction d’un monde meilleur pendant notre passage sur cette Terre, sont les plus grandes réussites à célébrer. Devenir femme, c’est à la fois devenir soi, prendre soin de soi et des autres, et accomplir ce qui nous semble être le plus important, à la fois pour nous-même et les autres.

La sororité est également un aspect clé du processus pour devenir femme. Entre femmes, nous vivons bien souvent les mêmes expériences et épreuves, que ce soit dans nos vies personnelles et professionnelles. L’entraide, la coopération et le conseil, dans tous les domaines, sont essentiels pour atteindre nos objectifs et ambitions.

Cependant, toute notre vie, nous devrons nous battre pour faire respecter nos choix, principes et valeurs, en tout temps et en tout lieu, à la fois dans la vie privée, publique et professionnelle. Notre vie entière, nous devrons rester attentives quant au respect de nos droits et libertés. Simone de Beauvoir (à nouveau) disait « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

Encore aujourd’hui, il règne une obligation sociale et parfois familiale à la maternité et au mariage dans la vie des femmes. Le fait qu’une femme puisse ne pas vouloir d’enfants ou de mari pour quelque raison que ce soit, est considéré comme une complète hérésie. Les femmes ne sont pas libres d’assumer leurs propres décisions relatives à leur vie personnelle et intime, sans devoir vivre les affres du jugement social et familial. Quand une femme ose dire qu’elle ne veut pas d’enfant ou se marier, on lui répond qu’elle changera forcément d’avis, comme si le fait d’être mère et épouse était le passage fondamentalement obligé dans l’issue et la réussite de la vie de chaque femme. Nous vivons dans une société hypocrite où le droit à l’IVG et le divorce existent, mais l’on refuse de considérer pour autant, qu’une femme puisse ne pas vouloir d’enfant ni de mari, pendant toute sa vie. La société accepte que la femme n’ait pas d’enfants ou de mari, temporairement, mais il faudrait que ses choix soient seulement momentanés, pour qu’elle devienne ultimement, mère et épouse. Or, chaque femme a des ambitions et objectifs de vie bien différents, pour certaines être mariée et avoir des enfants est un objectif de vie, tandis que pour d’autres ces éléments ne comptent absolument pas dans la réussite de leur propre vie. Ces modèles sont encore imposés dans la vie des femmes, bien souvent par la société et leurs propres parents.

Devenir femme, c’est aussi comprendre que si l’on ose sortir du cadre maternel et marital imposé depuis notre enfance, toute notre vie nous devrons perpétuellement nous justifier de nos choix intimes et personnels, auprès de la société et de nos parents. Même dans le cadre des hautes études, celles-ci sont parfois considérées par la famille comme étant avant tout, un moyen d’y trouver un mari cultivé et fortuné, avant même de considérer l’aspect intellectuel et professionnel pour la jeune femme qui les exerce. L’objectif de certains parents se tournera d’abord sur la possibilité d’un futur mariage, plutôt que sur le réel contenu des études de leur propre fille. Le domaine universitaire sera souvent subordonné au caractère mariable de la jeune femme qui les exerce. Quant à sa vie professionnelle, elle sera également soumise à la condition sine qua non d’être mariée et d’avoir des enfants.

À vrai dire, s’il y a une telle pression familiale et sociale au mariage et à la maternité, c’est car bien souvent les femmes sont forcées à se marier et à avoir des enfants, non pas pour leur propre intérêt à elles, mais pour la perspective des parents d’avoir des petits-enfants. L’opinion de la personne principalement concernée est éludée, par le faux prétexte qu’elle changerait forcément d’avis car ce serait dans sa nature. Dès lors, si une femme ne peut pas décider librement, en son âme et conscience, d’avoir ou non des enfants, d’être mariée ou non, en ayant la pression sociale et familiale à sa charge, alors son corps et son devenir ne lui appartiennent plus. Elle devient l’objet de la société et de sa famille, qui la forcent à accomplir leur propre volonté, sans tenir compte de la sienne. Chaque femme a des ambitions et objectifs de vie bien différents, ce qui est synonyme d’une vie réussie et épanouie pour l’une ne le sera sans doute par pour l’autre, et il est primordial de laisser les femmes libres de faire leurs propres choix intimes et personnels, sans devoir nécessairement se conformer à la norme imposée.

Les relations professionnelles sont aussi parfois sources de nombreuses discriminations et remarques sexistes envers les femmes. Même dites sur le ton d’une simple plaisanterie, les remarques déplacées sur le physique des femmes ou leur potentiel caractère sexuel, représentent des agissements absolument intolérables dans tous les domaines de la vie courante et professionnelle. Toute notre vie, nous devrons continuer de dénoncer ces comportements absolument inappropriés, et ce dans tous les domaines de la vie active ou intime. Jamais une femme ne devrait avoir à vivre ce genre de remarques, dans le plus simple exercice de sa vie professionnelle et personnelle.

Finalement, devenir femme, c’est avant tout comprendre que nous sommes toutes capables de réaliser n’importe quelles ambitions et objectifs de vie incroyables, sans devoir être dépendante d’un mari ou d’une descendance. C’est avoir la liberté de s’accomplir, de grandir, de concrétiser nos ambitions et de réussir sa vie selon ses propres termes. Pour devenir femme, l’accomplissement de soi passe par la construction identitaire et la quête de soi. L’issue de la vie d’une femme ne dépendra jamais de son statut de mère ou d’épouse, mais uniquement de sa capacité à aller au plus profond de son être pour en extraire qui elle est. Assumer ses intérêts, aller au bout de ses ambitions, vivre pour soi, être bienveillant et juste, prendre soin de soi et des autres, sont les seules issues pour une vie accomplie. Pour cela, il s’agit de comprendre ce qui fait notre caractère unique et particulier. Friedrich Nietzsche disait « Deviens qui tu es ». Deviens qui tu es au fond de ton être, dans ton cœur et ta tête. Deviens qui tu es au plus profond de toi-même. Ce ne sera sans doute pas ce que la société et tes parents attendent de toi, mais ce sera ce dont ton cœur et ta tête auront besoin pour vivre une vie heureuse et épanouie.


Claire, le 21 juillet 2020

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