Alexia est diplômée de littérature et de science politique, et a brièvement étudié la sexologie. Passionnée par les enjeux féministes, beaucoup de son temps est consacré à la lecture et l’écriture. Elle est également amatrice d’art et de photographie. J’ai eu la chance de la rencontrer à travers une implication commune, et j’ai continué à suivre ses projets inspirants par la suite; je lui ai alors proposé de faire partie de Women of the World.


Parmi tous les sujets qui me tiennent à cœur, il en est un qui ravive quelque chose de plus profond ; celui du corps. Peu importe là où s’en vont mes réflexions, qu’elles s’inscrivent dans mon combat féministe ou qu’elles relèvent de l’intime, il est présent.

Bien trop petite et pas assez mince – surtout pour une gymnaste -, ajoutez à cela une poitrine aussi timide que celle qui la porte et des traits ridiculement enfantins, et je vous donne l’une des combinaisons gagnantes de l’adolescence douloureuse. Car, si quelque chose manque à l’adolescence, c’est bien la conscience du privilège. Le privilège d’avoir un corps blanc et un corps en santé – donc accepté par la société. Un corps dont les besoins pouvaient et peuvent être satisfaits. Un corps, certes, violenté, traumatisé, dépouillé, mais un corps avant tout résilient et tenace. Un corps qui maintient en vie et dont l’acuité sensorielle permet la multiplicité des plaisirs. Et pourtant… Et pourtant, à l’aube de mes vingt-cinq ans, riche d’une expérience de vie si particulière, je retrouve souvent l’adolescente larmoyante face au miroir, haïssant autant le reflet que l’ombre. À l’ère des réseaux sociaux où la pression de la perfection est à son comble, comment se départir de ses vieux complexes socialement – patriarcalement – créés ? Car, entendons-nous, la dévalorisation du corps féminin n’a pour seul responsable que l’œil de celui pour qui on lui a fait croire qu’il devait exister. Ce que nombre d’adolescentes ont pleuré et pleureront malheureusement devant leur miroir, c’est avant tout la non conformité aux attentes du désir masculin, ce même désir qui, vicié, s’autoproclame maître et possesseur de ce qu’il aura pourtant jugé inadéquate.

Je salue avec chaleur et respect les innombrables femmes qui se battent contre les prescriptions corporelles capitalistes – qui attribuent une valeur quasi marchande aux corps, dont l’étalon n’est autre que le regard masculin -, célébrant la splendeur de la diversité, et permettant à toutes ces jeunes femmes de trouver le courage et la confiance de s’aimer, dans la différence qui fait leur beauté. Je suis particulièrement tiraillée entre deux constats : l’un, sceptique, qui voudrait que la pression n’ait jamais été si pesante qu’aujourd’hui, en témoigne, dans ce contexte de crise sanitaire et de confinement, l’injonction à la productivité et la crainte fertile d’un point de vue mercantile de la prise de poids ; et l’autre, serein, qui s’enracine dans une bienveillance omniprésente et qui se veut plus confiant sur le tournant pris par la société, grâce aux initiatives des femmes.

S’il est une chose que j’ai comprise – vraiment, profondément, comprise – c’est que le corps sera toujours l’enjeu de la division et de la domination. Entre les genres, entre les races, entre les classes sociales ; mais également en leur sein même. Lutter contre le patriarcat, c’est lutter contre l’instauration d’impératifs qui se nourrissent de la rivalité même qu’ils créent.

Alexia, le 6 mai 2020

 

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